Souvenir d'un concert: Benoît nous livre ses impressions.
DENIS PASCAL EN RÉCITAL, SALLE GAVEAU
Il était 19h30 quand j’arrivais à la salle Gaveau. Tout excité d’assister à la prestation de mon ami pianiste, je passai une grande porte où je me retrouvais dans une immense salle éclairée d’une chaude et resplendissante lumière. Trois balcons constituaient cette salle de concert, d’ailleurs celle-ci, aux spectateurs nombreux et bruyants, m’émerveillait au plus haut point.
Je gagnai tranquillement ma place. Les lumières s’éteignirent, la scène sombre jusqu’à présent, s’illumina soudainement. L’éclairage est doux. Mon ami entra alors en scène. Le son de ses pas résonnait tranquillement, puis, il salue la salle en abaissant la tête de façon majestueuse. A ce moment-là, un tonnerre d’applaudissements retentit. Puis silence. Il alla s’asseoir sur son siège et mit ses pieds sur les pédales. Apaisé, il posa délicatement ses mains sur le clavier. Une note retentit à travers la salle, puis plus rien, la note s’est évaporée. Quelques secondes après, une deuxième note se fit entendre. Puis une troisième et une quatrième, une autre encore, cela ne s’arrête pas. L’enchantement se poursuit. Nous pouvons nous imaginer une histoire : le début est lent, ce qui pourrait correspondre au matin, quand on se réveille, on ouvre les yeux, puis des pizzicati, le rythme s’accélère, on décide alors de se lever et d’ouvrir les volets, on voit la gelée du matin, la neige qui recouvre notre jardin. Le tempo va de plus en plus vite, c’est alors que des animaux apparaissent, des lapins qui sautent partout, et puis on est heureux, on prend un grand bol d’air puis on referme les volets et la musique se calme, on revient au début, on se rendort. C’est la fin. Les dernières notes chantent et le pianiste lève ses mains et les pose avec délicatesse sur ses genoux.
La salle se prépare à applaudir, mais non, ce n’est pas terminé, la musique reprend ! Nous replongeons dans notre rêve.
Note après note, chacune d’elle chante un son différent, une autre mélodie se joue. La clarté des notes et leur précision me rappelle quand je suis en concert et quand je me concentre, quand je prends plaisir à jouer. Puis doucement, légèrement, l’accompagnement de la main gauche vient à la rencontre de la mélodie, les deux mains cheminent ensemble, nous sommes dans une atmosphère magique. La main gauche reprend à son tour le thème pendant que la main droite l’accompagne, les deux mains ont échangé leur rôle. La mélodie devient alors grave et la main droite joue dans les aigus, on s’envole de plus en plus haut, l’accompagnement pourrait se comparer à des oiseaux voletant dans le ciel… Cette légèreté, ce moment d’émerveillement restera inoubliable. Tout d’un coup la mélodie passe en mineur. L’histoire change totalement de forme, de texte. Quelques minutes plus tard, nous revenons en majeur, nous revenons au thème initial, les nuances augmentent. Nous sommes passés de la nuances pianissimo à fortissimo, la musique emplit toute la salle et chacun de nos cœurs. Je suis en plein rêve, la sensation de liberté m’enivre. La musique s’arrête brutalement, et le silence total envahit la salle. Les notes s’envolent à nouveau… et l’accord final arrive petit à petit. Je vois mon ami serein, paisible et plus concentré, enfoncer avec légèreté, calme et douceur les notes formant un accord majeur et envoûtant qui va clore son morceau. Il reste appuyé sur les touches pendant au moins une minute et les soulève lentement. Le son se répand dans toute la salle, et je fus conquis par la beauté de son morceau qu’auparavant je n’appréciais point.
Chaque spectateur laissa le temps à la musique de s’envoler au loin : c’était de toute beauté. Tout le monde applaudit, je lançai une « standing ovation ». J’étais heureux.
Benoît du Hamel de Fougeroux, janvier 2014